La « critique de la langue » chez Fritz Mauthner (1849-1923), qui se décline comme critique de la presse et de la culture, critique littéraire, critique de la philosophie et des sciences, est une critique, par son style et son écriture, des modes intellectuelles et des idéologies codées par les usages de langue de son époque. Notre travail replace l’ensemble des écrits de Mauthner dans leur contexte d’apparition, le Berlin de la fin du XIXe siècle, et documente l’implication de Mauthner dans le mouvement de la modernité littéraire, autour de la Freie Bühne de Berlin. Ces écrits invitent à interroger les paradoxes constitutifs de la Modernité, et l’articulation entre les notions de crise et de critique qui traversent le champ littéraire, scientifique et philosophique. Il s’agit donc de mettre en évidence une stratégie d’écriture qui, dans le contexte de la spécialisation et de la vulgarisation des savoirs modernes et de leurs terminologies, revêt une dimension polémique et politique. Cette stratégie sert une critique immanente à la langue, qui procède par imitation et détournement des mots-clef, des effets de discours et des formes d’expression de la pensée dominante. Nous montrons enfin de quelle manière cette écriture, avec son recours à des figures ou quasi-figures du discours impropre, exemplifie et alimente une conception métaphorique, contextuelle et dialogique de la langue, approche sémantique visant à exclure les notions d’identité et de propriété et les jugements de valeurs d’une réflexion historique sur la langue et la culture. ; This dissertation shows that Fritz Mauthner’s (1849-1923) famous “critique of language” should be understood as a unique mode and style of attack on the literary cultures and ideological codes of his time, characterized by the development of print media. His work was unique because, through his critiques of literary, journalistic, and scholarly writings, Mauthner developed a powerful form of immanent critique of language that engaged typical forms of thought in that period as it was embedded within the topoi of late nineteenth century Berlin practices of writing. By adopting and repeating the period’s chauvinistic and anti-Semitic clichés he exposed – through modes of irony and parody – their failures and anti-modernistic images. By contextualising all of Mauthner’s late nineteenth century writings, in particular his critical approaches to modern literature, this work reconstructs Mauthner’s unmasking of modernity’s constitutive paradoxes through the links that he revealed between literary, scholarly, and philosophical modernity.
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