Ce travail se propose de comparer les oeuvres de deux représentants majeurs de la modernité poétique du tournant du XXe siècle, Fernando Pessoa et Rainer Maria Rilke, que rapproche notamment la propension à produire des modèles poétiques multiples et concurrents. On suppose ici que ce phénomène, associé généralement à la « crise du moi » qui caractériserait cette période artistique et littéraire, n'est par ailleurs pas étranger au fait que les deux poètes entretiennent dans leur rapport au monde et à la création un intérêt particulier pour l'ouïe et le domaine du sonore, aussi bien sur le plan de la production que de la réception (le « poïétique » et l'« esthésique », selon une terminologie proposée par Paul Valéry). L'étude s'intéresse ainsi à diverses facettes des oeuvres des deux poètes, de leur conception de l'inspiration poétique et de la notion de rythme à leur recours à des techniques de spatialisation, en passant par d'autres aspects qui leur sont communs, tels que l'écriture théâtrale, l'intérêt pour le spiritisme ou encore la traduction et l'écriture en langue étrangère. L'établissement de parallèles selon un tel « point d'écoute » acroamatique voudrait permettre de mieux cerner la modernité (et l'anti-modernité) propre aux deux auteurs et, par extension, contribuer à la définition de leur pertinence particulière dans le contexte de la post-modernité This study intends to compare the works of two leading representatives of poetic modernism at the turn of the 20th century, Fernando Pessoa and Rainer Maria Rilke, who notably shared an inclination for producing multiple and concurrential poetic models. The study's author assumes that this phenomenon, commonly linked to a « crisis of the self » characteristic of this artistic and literary period, is eminently related to the fact that both poets had a keen interest in the realm of sound and hearing, at the poietic (the side of production) as well as the aesthesic level (i.e. the level of aesthetic reception), to borrow a terminology coined by Paul Valéry. The study therefore focuses on several facets of the work of the two poets, ranging from their conception of poetic inspiration and the notion of rhythm to their resort to techniques of spatialization, along with other aspects common to both, as dramatic writing, the interest in spiritism, translation and writing in a foreign language. By establishing parallels from an acroamatic « point of hearing », the study aims at allowing for a better understanding of the two authors' specific modernism (and antimodernism), as well as beginning to trace out their relevance in the context of postmodernism
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